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coup de balai à la production capitaliste est surtout de caractère négatif, et se borne principalement à ce qui disparaîtra. Mais quels éléments nou­veaux viendront s’y agréger ? Cela se décidera quand aura grandi une génération nouvelle : génération d’hommes qui, jamais de leur vie, n’auront été à même d’acheter par de l’argent ou par d’autres moyens de puissance sociale l’abandon d’une femme ; génération de femmes qui jamais n’auront été à même de se donner à un homme pour quelque autre motif que l’amour véritable, ou de se refuser à celui qu’elles aiment par crainte des suites économiques de cet abandon. Quand ces gens-là existeront, du diable s’ils se soucieront de ce qu’on pense aujourd’hui qu’ils devraient faire ; ils se forgeront à eux-mêmes leur propre pratique et créeront l’opinion publique adéquate selon laquelle — ils jugeront le comportement de chacun — un point, c’est tout. ]

Mais revenons à Morgan, dont nous nous sommes considérablement éloignés. L’étude historique des institutions sociales qui se sont développées pendant la période de civilisation dépasse le cadre de son livre. C’est pourquoi il ne s’occupe que très brièvement des destinées de la monogamie pendant cette époque. Il voit, lui aussi, dans l’évolution de la famille monogamique, un progrès, un pas vers la complète égalité de droits des deux sexes, sans croire toutefois que ce but ait été atteint. Mais, dit-il,

« si l’on reconnaît le fait que la famille est passée successivement par quatre for­mes et qu’elle se trouve actuellement sous une cinquième forme, la question qui se pose est de savoir si cette forme peut être durable pour l’avenir. L’unique réponse possible, c’est qu’elle doit progresser comme la société progresse, se transformer dans la mesure où se transforme la société, tout comme elle l’a fait jusqu’ici. Elle est le produit du système social et reflétera son état de culture. Puisque la famille monogamique s’est améliorée depuis le début de la civilisation et très sensiblement dans les temps modernes, on peut à tout le moins supposer qu’elle est capable de perfectionnements nouveaux, jusqu’à ce que soit atteinte l’égalité des deux sexes. Si, dans un avenir lointain, la famille monogamique ne devait pas être en mesure de remplir les exigences de la société, il est impossible de prédire de quelle nature sera la famille qui lui succédera. »