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C’est pourquoi les éternels compagnons de la monogamie : l’hétaï­risme et l’adultère, ne jouent ici qu’un rôle toujours plus effacé ; la femme a effectivement reconquis le droit au divorce, et, si l’on ne peut pas se souffrir, on préfère se séparer. Bref, le mariage prolétarien est monogamique au sens étymologique du mot, mais point du tout au sens historique.

[Nos juristes trouvent, il est vrai, que le progrès de la législation enlève aux femmes, dans une mesure toujours croissante, tout motif de plainte. Les systèmes législatifs de la civilisation moderne reconnaissent de plus en plus, en premier lieu, que le mariage, pour être valable, doit être un contrat librement consenti par les deux parties, et en second lieu que, même pendant le mariage, les deux partenaires doivent avoir l’un vis-à-vis de l’autre les mêmes droits et les mêmes devoirs. Si ces deux conditions étaient logiquement réalisées, les femmes auraient tout ce qu’elles peuvent désirer.

Cette argumentation spécifiquement juridique est exactement celle par laquelle le bour­geois républicain radical déboute le prolétaire et lui ferme la bouche. Le contrat de tra­vail est censé avoir été librement passé par les deux parties. Mais il passe pour librement conclu du moment que la loi établit sur le Papier l’égalité des deux parties. Le pouvoir que la différence de la situation de classe donne à l’une des parties, la pression que celle-ci exerce sur l’autre, — la condition économique réelle des deux partenaires, — cela ne regarde point la loi. Et, pendant la durée du contrat de travail, les deux parties sont encore censées jouir des mêmes droits, pour autant que l’une ou l’autre n’y a pas expressément renoncé. Que les circonstances économiques contraignent l’ouvrier à renoncer même au dernier semblant d’égalité de droits, la loi, elle, n’y peut rien.

En ce qui concerne le mariage, la loi, même la plus libérale, est complètement satisfaite dès que les partenaires ont donné, en bonne et due forme, leur libre consentement au procès-verbal. Ce qui se passe derrière les coulisses juridiques où se joue la vie réelle et de quelle façon s’obtient ce libre consentement, la loi et les juristes n’en ont cure. Et pourtant, le plus simple recours au droit comparé devrait ici montrer aux juristes ce que vaut cette liberté de consentement. Dans les pays où une part obligatoire de la fortune des parents est assurée aux enfants