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d’hétaïrisme et d’adultère, bien connus là-bas, et depuis longtemps.

Mais, dans les deux cas, le mariage est basé sur la situation de classe des partenaires ; sous ce rapport-là, il est donc toujours un manage de convenance. [Dans les deux cas encore, ce mariage de convenance se convertit assez souvent en la plus sordide prostitution — parfois des deux parties, mais beaucoup plus fréquemment de la femme ; si celle-ci se distingue de la courtisane ordinaire, c’est seulement parce quelle ne loue pas son corps à la pièce, comme une salariée, mais le vend une fois pour toutes, comme une esclave. À tous les mariages de convenance s’applique le moi de Fourier : « De même qu’en grammaire deux négations valent une affirmation, en morale conju­gale, deux prostitutions valent une vertu.»]

L’amour sexuel ne peut être et n’est règle véritable des relations avec la femme que dans les classes opprimées, c’est-à-dire, de nos jours, dans le prolétariat, que ces relations soient ou non officiellement sanctionnées. Mais c’est qu’ici tous les fondements de la monogamie classique sont sapés. Il ne s’y trouve aucune propriété, pour la conservation et la transmission de laquelle furent précisément instituées la monogamie et la suprématie de l’homme ; il y manque donc tout stimulant pour faire valoir la suprématie masculine. Qui plus est, les moyens mêmes de la faire valoir y font défaut ; le droit bourgeois, qui protège cette supré­matie, n’existe que pour les possédants et pour leurs rapports avec les prolétaires ; il coûte cher et, faute d’argent, n’a donc point de validité pour la position de l’ouvrier vis-à-vis de sa femme. Ce sont de tout autres rapports personnels et sociaux qui décident en l’occurrence. Et par surcroît, depuis que la grande industrie, arrachant la femme à la maison, l’a envoyée sur le marché du travail et dans la fabrique, et qu’elle en fait assez souvent le soutien de la fa­mille, toute base a été enlevée, dans la maison du prolétaire, à l’ultime vestige de la supré­matie masculine — sauf, peut-être encore, un reste de la brutalité envers les femmes qui est entrée dans les mœurs avec l’introduction de la monogamie. Ainsi, la famille du prolétaire n’est plus monogamique au sens strict du terme, même s’il y a, de part et d’autre, l’amour le plus passionné et la fidélité la plus absolue, et malgré toutes les éventuelles bénédictions spiri­tuelles et terrestres.