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objet pour l’entretien du ménage » (le mot est neutre) et, mis à part le soin de procréer des enfants, elle n’était pour l’Athénien que la servante principale. L’homme avait ses exercices gymniques, ses débats publics dont la femme était exclue. De plus, il avait souvent aussi des femmes esclaves à sa disposition et, à l’apogée d’Athènes, une prostitution fort étendue et à tout le moins favorisée par l’État. Ce fut précisément sur la base de cette prostitution que se développèrent les seuls caractères de femmes grecques qui, par l’esprit et l’éducation du goût artistique, dominaient d’aussi haut le niveau général du monde féminin antique que les femmes spartiates le dominaient par le caractère. Mais si, pour devenir femme, il fallait d’abord se faire hétaïre, c’est bien la plus sévère condamnation de la famille athénienne.

Cette famille athénienne devint, au cours des temps, le type sur lequel non seulement le reste des Ioniens, mais aussi, et de plus en plus, tous les Grecs du continent et des colonies modelèrent leurs rapports domestiques. Malgré la séquestration et la surveillance, les Grecques trouvaient tout de même assez souvent l’occasion de duper leurs maris. Ceux-ci, qui auraient rougi de montrer de l’amour pour leurs femmes, s’amusaient à toutes sortes d’in­tri­gues amoureuses avec les hétaïres ; mais l’avilissement des femmes eut sa revanche dans celui des hommes et les avilit jusqu’à les faire tomber dans la pratique répugnante de la pédé­rastie et se déshonorer eux-mêmes en déshonorant leurs dieux par le mythe de Ganymède.

Telle fut l’origine de la monogamie, pour autant que nous la puissions étudier chez le peuple le plus civilisé et le plus développé de l’Antiquité. Elle ne fut aucunement je fruit de l’amour sexuel individuel, avec lequel elle n’avait absolument rien à voir, puisque les maria­ges restèrent, comme par le passé, des mariages de convenance. Ce fut la première forme de famille basée non sur des conditions naturelles, mais sur des conditions écono­miques à savoir : la victoire de la propriété privée sur la propriété commune primitive et spontanée]. Souve­raineté de l’homme dans la famille et procréation d’enfants qui ne pussent être que de lui et qui étaient destinés à hériter de sa fortune, — tels étaient, proclamés sans détours par les Grecs, les buts exclusifs du mariage conjugal. Au reste, ce mariage leur était un fardeau, un devoir envers les dieux, l’État et leurs propres ancêtres,