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riches et des grands, et s’entretient principalement par l’achat d’esclaves ; la masse du peuple vit en monogamie. Non moins exceptionnelle est la polyandrie aux Indes et au Tibet ; polyandrie dont on n’a pas encore approfondi l’origine, intéressante à coup sûr, et qui se rattache [au mariage par groupe]. Elle semble d’ailleurs beaucoup plus tolérante, en prati­que, que la jalouse organisation du harem chez les mahométans. Chez les Naïrs des Indes, tout au moins, trois ou quatre hommes, ou plus, ont bien une femme commune ; mais chacun d’eux peut, à part cela, avoir en commun avec trois autres hommes ou plus une deuxième femme, et de même une troisième, quatrième, etc. C’est miracle que Mac Lennan n’ait. pas découvert, dans ces clubs conjugaux, qui permettent à leurs membres d’appartenir à plusieurs clubs en même temps et que Mac Lennan décrit lui-même, la nouvelle classe du mariage Par club. [Cette pratique du club conjugal n’est d’ailleurs point du tout une polyandrie véritable ; c’est au contraire, comme le remarquait déjà Giraud-Teulon, une forme spécialisée du mariage par groupe ; les hommes vivent en polygamie, les femmes, en polyandrie.]

4. La famille monogamique.

Ainsi qu’il a été montré précédemment, elle naît de la famille appariée, à l’époque qui forme la limite entre les stades moyen et supérieur de la barbarie ; sa victoire définitive est une des marques de la civilisation commençante. Elle est fon­dée sur la domination de l’homme, avec le but exprès de procréer des enfants d’une pater­nité incontestée, et cette paternité est exigée parce que ces enfants entreront un jour en pos­ses­sion de la fortune paternelle, en qualité d’héritiers directs. Elle se distingue du mariage apparié par une solidité beaucoup plus grande du lien conjugal, qui ne peut plus être dénoué au gré des deux parties. En règle générale, c’est maintenant l’homme qui peut seul dénouer le lien et répudier sa femme. Le droit d’infidélité conjugale lui reste d’ailleurs garanti jusqu’à présent, du moins par la coutume (le Code Napoléon le concède expressément à l’homme, pourvu qu’il n’amène pas sa concubine au domicile conjugal) et ce droit s’exerce toujours davantage, à mesure que le développement social va s’élevant ; si la femme se souvient de l’antique pratique sexuelle et veut la restaurer, elle est punie plus sévèrement qu’à toute autre période antérieure.