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de la marche (et la marche, fait étrange, s’y appelait marca), avec partage périodique des terres cultivées, donc culture individuelle.

En tout cas, la communauté domestique patriarcale avec propriété et culture du sol en commun prend maintenant une tout autre importance que précédemment. Nous ne pouvons pas douter plus longtemps du puissant rôle de transition qu’elle a joué entre la famille de droit maternel et la famille conjugale, chez les peuples civilisés et chez maints autres peuples du monde antique. Nous reparlerons plus loin de l’autre déduction de Kovalevski, selon laquelle la communauté domestique patriarcale constituait également le stade transitoire d’où est issue la commune de village ou de marche, avec culture individuelle et partage d’abord périodique, puis définitif des champs et des pâturages.

En ce qui concerne la vie familiale au sein de ces communautés domestiques, il y a lieu de remarquer qu’à tout le moins en Russie le chef de la maison a la réputation d’abuser forte­ment de sa situation vis-à-vis des jeunes femmes de la communauté, et plus particulièrement de ses brus, et de s’en constituer bien souvent un harem ; point sur lequel les chansons populaires russes sont assez éloquentes.

Avant de passer à la monogamie, qui se développa rapidement avec l’écroulement du droit maternel, quelques mots encore sur la polygamie et la polyandrie. Ces deux formes de mariage ne peuvent être que des exceptions et, pour ainsi dire, des produits de luxe de l’his­toire, à moins qu’elles ne se présentent simultanément dans un même pays, ce qui n’est pas le cas, comme on sait. Donc, puisque les hommes exclus de la polygamie ne peuvent se consoler auprès des femmes laissées de côté par la polyandrie et que le nombre des hommes et des femmes, sans égard aux institutions sociales, est resté jusqu’ici sensiblement égal, il est donc impossible que l’une ou l’autre de ces formes de mariage se généralise. En fait, la poly­ga­mie d’un homme était de toute évidence le produit de l’esclavage et se limitait à quelques situations exceptionnelles. Dans la famille sémitique patriarcale, seul le patriarche lui-même, et tout au plus quelques-uns de ses fils, vivent en polygamie ; les autres doivent se contenter d’une femme. Il en est ainsi de nos jours encore dans tout l’Orient ; la polygamie est un privi­lège des