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en vigueur dans cette société, l’homme était donc également propriétaire de la nouvelle source d’alimen­ta­tion, le bétail, et plus tard du nouveau moyen de travail, les esclaves. Mais, selon la coutume de cette même société, ses enfants ne pouvaient pas hériter de lui. Voici ce qu’il en était :

Selon le droit maternel, c’est-à-dire tant que la filiation ne fut comptée qu’en ligne féminine, et selon la coutume héréditaire primitive de la gens, les parents gentilices héritaient au début de leurs proches gentilices décédés. La fortune devait rester dans la gens. Étant donné l’infime va­leur des objets à léguer, il se peut que, dans la pratique, cet héritage soit passé depuis tou­jours aux plus proches parents gentilices, c’est-à-dire aux [consanguins] du côté maternel. Or les enfants du défunt n’appartenaient pas à sa gens, mais à celle de leur mère ; ils héritaient de leur mère [au début] avec les autres [consanguins] (1) de celle-ci, et plus tard peut-être en première ligne ; mais ils ne pouvaient pas hériter de leur père, parce qu’ils n’appartenaient pas à la gens de celui-ci, dans laquelle devait rester sa fortune. À la mort du propriétaire des troupeaux, ceux-ci seraient donc passés d’abord à ses frères et sœurs et aux enfants de ses sœurs, ou aux descendants des sœurs de sa mère. Mais ses propres enfants étaient déshérités.

Donc, au fur et à mesure que les richesses s’accroissaient, d’une part elles donnaient dans la famille une situation plus importante à l’homme qu’à la femme, et, d’autre part, elles engen­draient la tendance à utiliser cette situation affermie pour renverser au profit des enfants l’ordre de succession traditionnel. Mais cela n’était pas possible, tant que restait en vigueur la filiation selon le droit maternel. C’est donc celle-ci qu’il fallait renverser tout d’abord, et elle fut renversée. Ce ne fut pas aussi difficile qu’il nous semblerait aujourd’hui. Car cette révo­lution — une des plus radicales qu’ait jamais connues l’humanité — n’eut pas besoin de toucher à un seul des membres vivants d’une gens. Tous les membres de la gens purent rester ce qu’ils étaient auparavant. Il suffisait de décider qu’à l’avenir les descendants des membres mascu­lins resteraient dans la gens, et que les descendants des membres féminins en seraient exclus et passeraient dans la gens de leur père. Ainsi, la filiation en ligne féminine et le droit d’héritage maternel étaient abolis, la ligne de filiation masculine et le droit d’héritage paternel