Page:Karl Marx et Friedrich Engels - Œuvres choisies en deux volumes, tome II, 1955.djvu/229

Cette page n’a pas encore été corrigée

et monopolisent la plupart de celles-ci ; mais en échange ils doivent, lors de certaines fêtes et grandes assemblées populaires, rétablir vérita­ble­ment l’ancienne communauté et laisser leurs femmes s’ébattre avec les jeunes hommes. Westermarck (p. 28 et 29) apporte toute une série d’exemples de ces saturnales périodiques, où l’antique liberté de commerce sexuel est remise en vigueur pour un bref laps de temps : chez les Hos, les Santals, les Pandjas et les Kotars de l’Inde, chez quelques peuples africains, etc.... Chose curieuse, Westermarck en conclut que ce seraient là des survivances non du mariage par groupe, qu’il nie, mais... de la période de rut, commune à l’homme primitif et aux autres animaux.

Nous abordons maintenant la quatrième grande découverte de Bachofen, la découverte d’une forme largement répandue qui marque la transition du mariage par groupe au mariage apparié. Ce que Bachofen présente comme une pénitence pour la violation des antiques commandements des dieux : la pénitence par laquelle la femme achète son droit à la chasteté n’est en fait que l’expression mystique de la pénitence par laquelle la femme se rachète de l’antique communauté des hommes et conquiert le droit de ne se donner qu’à un seul. Cette pénitence consiste en une prostitution limitée : les femmes babyloniennes devaient, une fois l’an, s’abandonner dans le temple de Mylitta ; d’autres peuples d’Asie mineure envoyaient, pendant des années entières, leurs fines au temple d’Anaïtis, où elles devaient pratiquer l’amour libre avec des favoris de leur choix avant de pouvoir se marier ; des coutumes analogues, parées de semblants religieux, sont communes à presque tous les peuples asiati­ques entre la Méditerranée et le Gange. Le sacrifice expiatoire qui permet le rachat devient de plus en plus léger au cours des temps, comme le remarque déjà Bachofen :

« L’offrande renouvelée chaque année cède la place à l’offrande unique ; à l’hétaïrisme des matrones succède celui des jeunes filles ; à sa pratique durant le mariage succède sa pratique avant le mariage ; au don fait indistinctement à tous succède le don à des personnes déterminées. » (Droit maternel, p. XIX.)

Chez d’autres peuples, point de camouflage religieux ; chez quelques-uns — dans l’Anti­quité, les Thraces, les Celtes, etc..... et encore de nos jours, chez beaucoup d’aborigènes de l’Inde,