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La famille appariée, trop faible par elle-même et trop instable pour rendre nécessaire ou seulement désirable une économie domestique particulière, ne dissout nullement l’économie domestique communiste, héritée des temps antérieurs. Mais l’économie domestique commu­niste signifie la prédominance des femmes dans la maison, tout comme la reconnaissance exclusive de la mère en personne, étant donné qu’il est impossible de connaître avec certitude le véritable père, elle signifie une très haute estime des femmes, c’est-à-dire des mères. C’est une des idées les plus absurdes qui nous aient été transmises par le siècle des lumières que l’idée selon laquelle la femme, à l’origine de la société, a été l’esclave de l’homme. Chez tous les sauvages et tous les barbares du stade inférieur et du stade moyen, et même en partie chez ceux du stade supérieur, la femme a une situation non seule­ment libre, mais fort considérée. Ce qu’elle est encore au stade du mariage apparié, Arthur Wright peut nous l’apprendre, lui qui fut pendant de longues années missionnaire chez les Iroquois Senecas :

« En ce qui concerne leurs familles, à l’époque où elles habitaient encore les ancien­nes longues maisons (économies domestiques communistes de plusieurs familles),... il y régnait toujours un clan (une gens), si bien que les femmes prenaient leurs maris dans les autres clans (gentes)... Ordinairement, la partie féminine gouvernait la maison ; les provisions étaient communes ; mais malheur au pauvre mari ou au pauvre amant, trop paresseux ou trop maladroit pour apporter sa part à l’approvisionnement commun. Quel que fût le nombre de ses enfants ou quelle que fût sa propriété personnelle dans la maison, il pouvait à chaque instant s’attendre à recevoir l’ordre de faire son paquet et de décamper. Et il ne fallait pas qu’il tentât de résister à cet ordre ; la maison lui était rendue intenable, il ne lui restait plus qu’à retourner dans son propre clan (gens), ou encore, ce qui arrivait le plus souvent, à rechercher un nouveau mariage dans un autre clan. Les femmes étaient la grande puissance dans les clans (gentes) aussi bien que partout ailleurs. À l’occasion, elles n’hésitaient pas à destituer un chef et à le dégrader au rang de simple guerrier. »

L’économie domestique communiste, où les femmes appartiennent pour la plupart, sinon toutes, à une seule et même gens, tandis que les hommes se divisent en gentes différentes,