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les enfants passent dans la troisième ou la quatrième ; les enfants de ces deux dernières classes, mariées également l’une à l’autre, appartiennent de nouveau à la première ou à la deuxième classe. Si bien que toujours une génération appartient à la première et à la deuxième classe, la génération suivante à la troisième et à la quatrième et la génération qui vient ensuite appartient de nouveau à la première et à la deuxième classe. Il en résulte que les enfants de frères et sœurs (du côté maternel) ne peuvent être mari et femme, mais les petits-enfants de frères et sœurs le peuvent fort bien. Ce régime singulière­ment compliqué devient encore plus enchevêtré parce que viennent s’y greffer — plus tard, il est vrai — des gentes à droit maternel ; mais nous ne pouvons entrer plus avant dans ce sujet. On le voit, la tendance qui pousse à interdire le mariage entre consanguins s’affirme constam­ment, mais par tâtonnements tout instinctifs, sans claire conscience du but à atteindre.

Le mariage par groupe qui est encore, en Australie, un mariage par classe, l’union conju­gale en bloc de toute une classe d’hommes souvent répandue sur toute la surface du conti­nent, avec une classe de femmes tout aussi répandue, ce mariage par groupe, vu de près, ne semble pas aussi abominable que se le représente l’imagination des philistins, habituée à ce qui se passe dans les lupanars. Au contraire, il a fallu de longues années pour qu’on en soup­çon­nât seulement l’existence et, d’ailleurs, cette existence est à nouveau contestée depuis peu. L’observateur superficiel n’y voit qu’un mariage conjugal aux liens lâches, et en certains en­droits, une polygamie, accompagnée d’infidélité occasionnelle. Il faut, comme le firent Fison et Howitt, consacrer à cette étude des années pour découvrir dans ces conditions matri­mo­niales, dont la pratique semblerait plutôt familière à l’Européen moyen, la loi régulatrice, la loi selon laquelle le nègre australien étranger trouve, à des milliers de kilomètres de son pays natal, parmi des gens dont la langue lui est incompréhensible, mais assez souvent d’un campe­ment à l’autre, d’une tribu à l’autre, des femmes qui font ses volontés, sans résistance et sans malice ; la loi selon laquelle l’homme qui a plusieurs femmes cède l’une d’elles à son hôte pour la nuit. Là où l’Européen voit immoralité et absence de loi règne en fait une loi rigou­reuse. Les femmes appartiennent à la classe conjugale de l’étranger et sont, pour cette raison, ses épouses-