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à n’en point douter qui est sa mère. Bien qu’elle appelle tous les enfants de l’ensemble de la famille ses enfants, et qu’elle ait envers eux des devoirs maternels, elle distingue pourtant ses propres enfants parmi les autres. Il est donc évident que, tant qu’existe le mariage par groupe, la descendance ne peut être prouvée que du côté maternel, et que seule la filiation féminine est donc reconnue. C’est en effet le cas chez tous les peuples sauvages et appartenant au stade inférieur de la barbarie ; et c’est le second grand mérite de Bachofen que de l’avoir découvert le premier. Cette reconnaissance exclusive de la filiation maternelle et les rapports d’héritage qui en résultent avec le temps, il les désigne par le terme de «droit maternel» ; je garde cette dénomination pour sa brièveté ; mais elle est impropre, car à ce stade de la société il n’est pas encore question de « droit » au sens juridique du mot.

Prenons maintenant, dans la famille punaluenne, l’un des deux groupes typiques, celui d’une série de sœurs germaines ou plus éloignées (c’est-à-dire descendantes de sœurs germai­nes au premier, au second ou à d’autres degrés), avec leurs enfants et leurs frères uté­rins ou plus éloignés du côté maternel (qui, d’après notre supposition, ne sont pas leurs maris), et nous avons exactement le cercle des personnes qui, plus tard, apparaissent comme mem­bres d’une gens, dans la forme primitive de cette institution. Elles ont toutes pour aïeule une mère commune et, en vertu de cette filiation, les descendantes féminines sont sœurs de génération en génération. Mais les maris de ces sœurs ne peuvent plus être leurs frères, ils ne peuvent donc descendre de cette même aïeule ; ils n’appartiennent donc pas au groupe consanguin qui sera plus tard la gens ; mais leurs enfants appartiennent à ce groupe, puisque la filiation du côté maternel est seule déterminante, étant seule certaine. Dès que s’implante la réprobation du commerce sexuel entre tous les frères et sœurs, y compris les collatéraux les plus éloignés du côté maternel, le groupe précité s’est effectivement transformé en gens, c’est-à-dire qu’il s’est constitué en un cercle fixe de consanguins en ligne féminine, qui n’ont pas le droit de se marier entre eux ; et ce cercle, dès lors, par d’autres institutions communes, tant sociales que religieuses, se consolide de plus en plus et se différencie des autres gentes de la même tribu. Nous en reparlerons plus longuement par la suite. Mais si nous trouvons