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et barbares, il n’est pas possible d’éliminer à l’aide de quelques phrases l’importance de ce système si largement répandu. Un système qui règne partout en Amérique, qui existe également en Asie chez des peuples d’une race toute différente, et dont on rencontre à foison, par toute l’Afrique et l’Australie, des formes plus ou moins modifiées, [un tel système] demande qu’on l’explique historiquement, et non point qu’on s’en débarrasse par des mots, comme Mac Lennan, par exemple, a tenté de le faire. Les dénominations de père, enfant, frère, sœur ne sont pas de simples titres honorifiques, mais entraînent avec elles des obligations mutuelles très précises, très sérieuses, dont l’ensemble forme une part essentielle de l’organisation sociale de ces peuples. Et l’on en a trouvé l’expli­cation. Aux îles Sandwich (Hawaï), il existait encore, dans la première moitié de ce siècle, une forme de famille qui présentait exactement des pères et des mères, des frères et des sœurs, des fils et des filles, des oncles et des tantes, des neveux et des nièces tels que les requiert le vieux système de parenté des Indiens aborigènes d’Amérique. Mais, chose curieu­se : le système de parenté qui était en vigueur à Hawaï ne concordait pas, lui non plus, avec la forme de famille qui y existait effectivement. Dans ce pays, en effet, tous les enfants de frè­res et sœurs, sans exception, sont frères et sœurs, et sont considérés comme les enfants com­muns, non seulement de leur mère et des sœurs de celle-ci, ou de leur père et des frères de celui-ci, mais encore de tous les frères et sœurs de leurs parents, sans distinction. Donc, si le système de parenté américain présuppose une forme plus primitive de la famille qui n’existe plus ,en Amérique, et que nous rencontrons encore réellement à Hawaï, le système de parenté hawaïen nous ramène, d’autre part, à une forme de la famille encore plus originelle dont nous ne pouvons plus, il est vrai, établir nulle part l’existence, mais qui doit nécessairement avoir existé, parce que, sans cela, le système de parenté correspondant n’aurait pas pu se créer.

«La famille, dit Morgan, est l’élément actif ; elle n’est jamais stationnaire, mais passe d’une forme inférieure à une forme plus élevée, à mesure que la société se déve­loppe d’un degré infé­rieur à un degré plus élevé. Par contre, les systèmes de parenté sont passifs ; ce n’est qu’à de longs intervalles qu’ils enregistrent les pro­grès que la famille a faits au cours du temps, et ils ne subissent de transfor­mation