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la société : direction du travail, affaires politiques, justice, sciences, beaux arts, etc. C’est donc la loi de la division du travail qui est à la base de la division en classes. Cela n’empêche pas d’ailleurs que cette division en classes n’ait été accomplie par la violence et le vol, la ruse et la fraude, et que la classe dominante, une fois mise en selle, n’ait jamais manqué de consolider sa domination aux dépens de la classe travailleuse et de transformer la direction sociale en exploitation renforcée des masses.

Mais si, d’après cela, la division en classes a une certaine légitimité historique, elle ne l’a pourtant que pour un temps donné, pour des conditions sociales données. Elle se fondait sur l’insuffisance de la production ; elle sera balayée par le plein déploiement des forces productives modernes. Et en effet, l’abolition des classes sociales suppose un degré de développement historique où l’existence non seulement de telle ou telle classe dominante déterminée, mais d’une classe dominante en général, donc de la distinction des classes elle même, est devenue un anachronisme, une vieillerie. Elle suppose donc un degré d’élévation du développement de la production où l’appropriation des moyens de production et des produits, et par suite, de la domination politique, du monopole de la culture et de la direction intellectuelle par une classe sociale particulière est devenue non seulement une superfétation, mais aussi, au point de vue économique, politique et intellectuel, un obstacle au développement. Ce point est maintenant atteint. Si la faillite politique et intellectuelle de la bourgeoisie n’est plus guère un secret pour elle même, sa faillite économique se répète régulièrement tous les dix ans. Dans chaque crise, la société étouffe sous le faix de ses propres forces productives et de ses propres produits inutilisables pour elle, et elle se heurte impuissante à cette contradiction absurde : les producteurs n’ont rien à consommer, parce qu’on manque de consommateurs. La force d’expansion des moyens de production fait sauter les chaînes dont le mode de production capitaliste l’avait chargée. Sa libération de ces chaînes est la seule condition requise pour un développement des forces productives ininterrompu, progressant à un rythme toujours plus rapide, et par suite, pour un accroissement pratiquement sans bornes de la production elle même. Ce n’est pas tout. L’appropriation sociale des moyens de production élimine non seulement l’inhibition artificielle de la production qui existe maintenant,