Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/64

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
40
LA RELIGION DANS LES LIMITES DE LA RAISON

cependant il porte en lui), l’homme serait moralement mauvais. Mais comme, naturellement, il accepte dans sa maxime ces deux mobiles différents, et comme, d’autre part, il trouverait chacun d’eux, pris tout seul, suffisant à déterminer sa volonté ; si la différence des maximes ne dépendait que de la différence des mobiles (qui sont la matière des maximes), c’est-à-dire si la loi ou l’impulsion sensible constituaient une maxime, il serait à la fois moralement bon et moralement mauvais ; ce qui (d’après notre Introduction) est contradictoire. Il faut donc que la différence entre un homme bon et un homme mauvais ne consiste pas dans la différence des mobiles qu’il accepte dans ses maximes (ou dans la matière de ces maximes), mais dans la subordination de ces mobiles (dans la forme des maximes) : il s’agit de savoir quel est celui des deux mobiles dont l’homme fait la condition de l’autre. Par conséquent, chez l’homme (même chez le meilleur), le mal ne vient que du renversement, dans la maxime, de l’ordre moral des mobiles ; nous adoptons dans notre maxime et la loi morale et l’amour de soi, mais remarquant qu’ils ne sauraient subsister côte à côte et que l’un des deux au contraire doit être subordonné à l’autre comme à sa condition suprême, nous faisons du mobile de l’amour de soi et des inclinations qui en découlent la condition de l’accomplissement de la loi morale, quand au contraire celle-ci, en qualité de condition suprême de la satisfaction de nos inclinations sensibles, devrait être acceptée comme unique mobile dans la maxime universelle du libre arbitre.

Malgré ce renversement des mobiles, contraire à l’ordre moral, dans la maxime adoptée par un homme, il peut se faire néanmoins que les actions soient extérieurement aussi conformes à la loi que si elles avaient leur source dans les principes les plus pure ; c’est ce qui se produit quand la raison recourt à l’unité des maximes en général, qui est propre à la loi morale, simplement en vue d’introduire