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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

forment tout ce qui ne vise en réalité qu’à leur perfection morale personnelle en un culte de courtisan où les actes d’humilité ainsi que les chants de louanges sont ordinairement d’autant moins sincères et moraux qu’ils s’expriment en plus de mots ; il est nécessaire, au contraire, même quand en exerce de bonne heure à prier les enfants qui encore ont besoin de la lettre, de leur faire entendre soigneusement que le discours parlé (même quand il l’est intérieurement, ainsi que les tentatives qui ont pour but de mettre l’âme en état d’avoir de l’Idée de Dieu une conception qui doit être très voisine d’une intuition) ne valent rien par elles-mêmes et servent seulement à vivifier en nous l’intention de vivre de manière à nous rendre agréables à Dieu, auquel cas la parole a simplement le rôle d’un moyen qui agit sur l’imagination ; car tous ces hommages dévotieux risqueraient sans cela de ne pas produire autre chose qu’une adoration de Dieu hypocrite remplaçant le culte pratique qui ne consiste point en de purs sentiments (der nicht in blossen Gefühlen besteht).

2. La fréquentation de l’église, conçue comme une façon solennelle de rendre à Dieu dans une Église un culte extérieur quelconque, est, à ce point de vue, la représentation sensible de la communion des fidèles et constitue non seulement, par rapport aux individus, un moyen précieux d’édification[1], mais encore, en ce qui les touche comme

  1. Si l’on cherche à ce mot un sens qui lui soit propre, on ne peut guère entendre par édification que la conséquence morale de la piété sur le sujet. Elle ne saurait se confondre avec l’émotion (déjà contenue dans le concept de piété), bien que le plus grand nombre des gens qui s’estiment pieux (et que pour cela on nomme dévots) la fassent consister tout entière en ce sentiment ; par suite, le mot édification doit exprimer l’effet exercé par la piété sur l’amélioration réelle de l’homme. Or, pour arriver à se réformer, il est indispensable de se mettre à l’ouvrage systématiquement, d’ancrer profondément en son âme de fermes principes selon des idées bien comprises, d’élever là-dessus les sentiments requis par la différente importance des devoirs qui leur correspondent, de les défendre et de les prémunir contre les agressions de nos inclinations et d’édifier de cette manière, peut-on dire, un homme nouveau qui sera le temple de Dieu. Il est aisé de voir qu’un pareil édifice ne peut monter que lentement ; mais il faut