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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

convenable que nous nous en tenions à une distance respectueuse, comme d’une chose sacrée ; nous y gagnerons d’éviter une illusion qui nous ferait croire que nous accomplissons nous-mêmes des miracles ou bien que nous voyons des miracles se faire en nous, ce qui nous rendrait incapables de tout emploi de la, raison et nous convierait à cette indolence par laquelle on attend d’en haut, dans une passive inaction, ce que l’on devrait chercher en soi-même.

On donne le nom de moyens à toutes les causes intermédiaires que l’homme trouve à sa disposition pour réaliser une fin ; et la seule chose qui puisse nous mériter l’assistance céleste (aucun autre moyen n’existe) est une application sérieuse à perfectionner, autant que possible, le côté moral de notre nature pour nous rendre ainsi susceptibles d’être rendus parfaits ainsi qu’il faut l’être pour plaire à Dieu ― ce qui n’est pas à la portée de l’homme ― le secours divin que nous attendons, n’ayant pas lui-même d’autre fin, à vrai dire que notre moralité. Mais qu’au lieu de chercher son salut de cette manière, l’homme impur aime mieux recourir à certaines institutions sensibles (évidemment à sa disposition, mais qui, incapables par elles-mêmes de rendre aucun homme meilleur, devraient cependant le sanctifier d’une façon surnaturelle), c’est à quoi l’on pouvait s’attendre a priori et c’est ce qui arrive en fait. Le concept de ce qu’on appelle le moyen d’attirer la grâce, bien que contradictoire en soi (d’après ce qui vient d’être dit), donne pourtant naissance à une illusion personnelle aussi commune que préjudiciable à la vraie religion.

Le vrai culte (moral) de Dieu, celui que les fidèles doivent lui rendre à titre de sujets faisant partie de son royaume et aussi comme citoyens d’un État céleste (régi par les lois de la liberté), est sans doute invisible comme cet empire lui-même, c’est-à-dire qu’il doit être un culte des cœurs [(en esprit et en vérité)] et ne peut consister que