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convaincre, mais uniquement d’ordonner. ― Or, comme, hors du clergé, il ne reste que des laïques (dont font partie les chefs des communautés politiques), en définitive, l’Église étend sur l’État sa domination, non en l’imposant par la force, mais en usant de l’influence qu’elle exerce sur les esprits et aussi, par ailleurs, en faisant ressortir les prétendus avantages que peut offrir une obéissance inconditionnée, à laquelle, elle-même, la pensée du peuple est habituée par la discipline ecclésiastique ; mais, de cette manière et sans qu’on le remarque, les sujets s’accoutument à agir hypocritement ; leur loyauté, leur fidélité sont minées ; ils en viennent à ne s’acquitter qu’en apparence même de leurs devoirs civils, et l’on obtient ainsi, comme toutes les fois qu’on part de principes vicieux, justement le contraire de ce qu’on s’était proposé.



Toutes ces conséquences sont les suites inévitables de la transposition, insignifiante à première vue, des principes de la croyance religieuse seule sanctifiante, puisque ce qu’on y décidait, au fond, c’était la question de savoir auquel des deux principes l’on devait donner la première place en qualité de condition suprême (à laquelle est subordonné l’autre principe). Il est juste, il est raisonnable d’admettre non seulement que les sages selon la chair, les savants et les philosophes (Vernünftler) se verront appelés à la connaissance des choses qui ont trait à leur vrai salut — car tout le genre humain doit être capable de cette foi — mais aussi que « les hommes les plus fous au regard du monde », les ignorants eux-mêmes et les pauvres d’esprit doivent pouvoir prétendre à cet enseignement et à cette conviction intérieure. Or, il semble, il est vrai, qu’une foi historique, surtout quand elle emploie, pour envelopper ses données, des concepts