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DU VRAI CULTE ET DU FAUX CULTE

l’espèce humaine) comme l’objet de l’adoration la plus pure et de la complaisance morale la plus grande pour une Raison qui appréciera la destinée tout entière de l’homme.

Nous avons donc ici une religion intégrale que tous les hommes peuvent, par leur propre raison, comprendre et trouver convaincante et qui, de plus, s’est rendue visible dans un exemple qui peut et qui doit même nous servir de modèle (dans la mesure où l’homme est capable de l’imiter) ; et ni la vérité des doctrines qu’elle professe, ni l’autorité, ni la dignité de celui qui l’a enseignée n’ont besoin d’une autre confirmation (qui réclamerait science et miracles, choses qui ne sont pas du ressort de chacun). Lorsque ce docteur se réfère à une législation plus ancienne et à une antique figuration (à la religion mosaïque), comme s’il voulait y trouver la confirmation de ses dires, il ne le fait pas pour fonder la vérité même de ses doctrines, mais pour leur trouver un accès facile auprès d’hommes entièrement et aveuglément attachés aux anciens usages ; car, nécessairement, on a toujours plus de difficultés à pécher des hommes aux cerveaux farcis d’articles de foi statutaires, presque entièrement incapables de rien entendre à la religion rationnelle, qu’à s’adresser à la raison de gens ignorants, mais non déformés. Nul, par conséquent, ne doit s’étonner de trouver que cette manière, accommodée aux préjugés d’alors, rende énigmatique aujourd’hui l’exposé de cette doctrine et nécessite une explication attentive, bien que, de toutes parts, transparaisse, et s’énonce même explicitement bien des fois, une théorie religieuse que chacun doit comprendre et trouver convaincante sans aucun frais d’érudition.