Page:Kant - La religion dans les limites de la raison, trad Tremesaygues, 1913.djvu/123

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
99
LA LUTTE DU BON PRINCIPE AVEC LE MAUVAIS

de l’enfer ne prévaudront pas contre elle »), et — ceci dit pour nous empêcher de, vouloir suppléer à cette confiance superstitieusement, par des expiations qui ne supposent pas un changement de cœur, ou fanatiquement, par de prétendues illuminations intérieures (purement passives), et de nous tenir de la sorte constamment éloignés du bien, fondé sur l’activité personnelle — que nous devons, du bien moral, exiger pour tout caractère, celui d’une bonne conduite. ― Au reste, la peine que nous prenons à découvrir dans l’Écriture un sens qui soit en harmonie avec les enseignements les plus saints de la raison n’est pas seulement permise, elle doit même être considérée plutôt comme un devoir[1], et l’on peut, à cette occasion, se rappeler ces mots adressés par le Maître si sage à ses disciples, au sujet de quelqu’un qui suivait sa route particulière, par laquelle, en définitive, il devait atteindre le même but : « Laissez-le faire ; car celui qui n’est pas contre nous est pour nous. »


Remarque générale


Pour qu’une religion morale (qui n’est pas une religion de dogmes et d’observances, mais une disposition du cœur à observer tous les devoirs humains comme des préceptes divins) arrive à s’établir, il faut que tous les miracles que l’histoire rattache à son introduction rendent enfin superflue elle-même la croyance aux miracles en général ; c’est en effet trahir un degré d’incrédulité morale digne de châtiment que de se refuser à reconnaître aux prescriptions du devoir, telles qu’elles se trouvent originellement écrites dans le cœur de l’homme par la raison, une autorité suffisante, si par surcroît elles n’imposent pas leur créance par des miracles : « Si vous ne voyez point des prodiges ni des

  1. [Bien qu’en cette matière, on peut le reconnaître, ce devoir ne soit pas le seul.]