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CRITIQUE DU JUGEMENT TÉLÉOLOGIQUE

ment humain de distinguer la possibilité et la réalité des choses. Le principe de cette distinction est dans le sujet et dans la nature de ses facultés de connaître. En effet, si l’exercice de ces facultés ne supposait pas deux éléments tout à fait hétérogènes, l’entendement pour les concepts, et l’intuition sensible pour les objets qui correspondent à ces concepts, cette distinction (entre le possible-et le réel) n’existerait pas. Si notre entendement était intuitif, il n’aurait pas d’autres objets que le réel. Les concepts (qui ne regardent que la possibilité d’un objet) et les intuitions sensibles (qui nous donnent quelque chose, sans cependant nous le faire connaître par là comme objet) s’évanouiraient ensemble. Or toute la distinction du pur possible et du réel repose sur ce que le premier signifie seulement la position de la représentation d’une chose relativement à notre concept et en général à la faculté de penser, tandis que le second signifie la position de la chose en elle-même (en dehors de ce concept). Par conséquent, la distinction des choses possibles et des choses réelles n’a qu’une valeur subjective pour l’entendement humain, car nous pouvons toujours concevoir quelque chose qui n’existe pas, ou nous représenter quelque chose comme donné, sans en avoir encore aucun concept. Cette proposition que les choses peuvent être possibles sans être réelles, et que, par conséquent, on ne