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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


un pied en l’air et ne peuvent jamais trouver de repos.

Du côté de l’empirisme, dans la détermination des idées cosmologiques, ou du côté de l’antithèse, on ne trouve d’abord aucun intérêt pratique résultant de principes purs de la raison, comme celui que renferment la morale et la religion. L’empirisme semble bien plutôt leur enlever à toutes deux toute force et toute influence. S’il n’y a pas un être premier distinct du monde, si le monde est sans commencement et par conséquent aussi sans auteur, si la volonté n’est pas libre et si l’âme est divisible et corruptible comme la matière, les idées morales mêmes et leurs principes perdent toute valeur, et s’évanouissent avec les idées transcendentales, qui forment leurs appuis théorétiques.

En revanche, l’empirisme offre à l’intérêt spéculatif de la raison des avantages qui sont fort attrayants et qui surpassent de beaucoup ceux que peut promettre la doctrine dogmatique des idées rationnelles. En le suivant, l’entendement reste toujours sur son propre terrain, c’est-à-dire dans le champ des expériences possibles ; il peut toujours en rechercher les lois, et, au moyen de ces lois, étendre sans cesse ses sûres et claires connaissances. Ici l’entendement peut et doit exhiber 1[1] l’objet, aussi bien en lui-même que dans ses rapports, au moyen de l’intuition, ou du moins de concepts dont l’image peut toujours être clairement et distinctement présentée dans des intuitions analogues données. Non-seulement il n’a pas besoin d’abandonner cette chaîne de l’ordre naturel pour s’attacher à des idées dont il ne connaît pas les objets,

  1. 1 Darstellen.