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DE L’INTÉRÈT DE LA RAISON


encouragent ainsi un usage de la raison qui dépasse toute expérience, en même temps qu’elles procurent à la philosophie, qui s’occupe de ces recherches, les meilleurs matériaux, pour appuyer ses investigations, autant que le permet leur nature, sur des intuitions appropriées.

Malheureusement pour la spéculation (mais heureusement peut-être pour la destination pratique de l’homme), la raison se voit, au milieu de ses plus grandes espérances, si embarrassée d’arguments pour et centre, que ne pouvant, tant par honneur que dans l’intérêt même de sa sûreté, ni reculer, ni regarder avec indifférence ce procès comme un jeu, ne pouvant non plus demander la paix, lorsque l’objet de la dispute est d’un si haut prix, il ne lui reste qu’à réfléchir sur l’origine de cette lutte avec elle-même, pour voir si par hasard un simple malentendu n’en serait pas la cause, et si, ce malentendu une fois dissipé, les prétentions orgueilleuses de part et d’autre ne feraient pas place au règne tranquille et durable de la raison sur l’entendement et les sens.

Avant d’entreprendre cette explication fondamentale, il convient de nous demander de quel côté nous nous rejetterions le plus volontiers, si nous étions forces de prendre parti. Comme nous ne consultons point dans ce cas la pierre de touche logique de la vérité, mais simplement notre intérêt, si cette recherche ne décide rien par rapport au droit litigieux des deux parties, elle aura du moins l’avantage de faire comprendre pourquoi ceux qui prennent part à cette lutte se tournent plutôt d’un côté que de l’autre, sans y être déterminés par une connaissance supérieure de l’objet. Elle expliquera aussi d’autres choses, par exemple, le zèle ardent de l’une des parties