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QUATRIÈME ANTINOMIE


à un être nécessaire au moyen de simples concepts. Or tout cela rentre dans la philosophie transcendante, qui n’a pas encore ici sa place.

Dès que l’on a une fois commencé à suivre la preuve cosmologique, en prenant pour fondement la série des phénomènes et leur régression, au point de vue des lois empiriques de la causalité, ·on ne peut plus ensuite la quitter brusquement pour passer à quelque chose qui ne ferait plus partie de la série comme membre. En effet, une chose, pour servir de condition, devrait être prise justement dans le même sens où serait prise la relation du conditionnel à sa condition dans la série, qui conduirait à cette suprême condition par une progression continue. Or, si cette relation est sensible et appartient à l’usage empirique possible de l’entendement, la condition ou la cause suprême ne peut clore la régression que suivant les lois de la sensibilité, c’est-à-dire comme faisant partie de la série du temps, et l’être nécessaire doit être considéré comme le membre le plus élevé de la série du monde.

On s’est permis pourtant de faire un saut de ce genre (μεταβασιζ έίζ ειλλα γενοζ}. On

Mais il y a dans cette antinomie un étonnant contraste : le même argument qui servait à conclure dans la thèse l’existence d’un être premier, sert à conclure sa non-existence dans l’antithèse, et cela avec la même rigueur. On disait d’abord : il y a un être nécessaire, parce que tout le temps passé renferme la série de toutes les conditions, et par conséquent aussi l’inconditionnel (le nécessaire). On dit maintenant : il n’y a pas d’être nécessaire, précisément parce que tout le temps passé renferme la série de toutes les conditions (qui par conséquent sont toutes à leur tour conditionnelles). Voici la raison de ce contraste. Le premier argument ne regarde que la totalité absolue de la série des conditions, dont l’une détermine l’autre dans le temps, et il acquiert ainsi quelque chose d’inconditionnel et de nécessaire. Le second envisage au contraire la contingence de tout ce qui est déterminé dans la série du temps (puisqu’antérieurement à chaque détermination, il y a un temps où la condition doit être à son tour déterminée elle-même comme conditionnelle) ; ce qui fait entièrement disparaître tout inconditionnel et toute néces-