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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


PREUVE
PREUVE
Le monde sensible, comme ensemble de tous les phénomènes, contient en même temps une série de changements. En effet, sans cette série, la représentation même de la succession du temps, comme condition de la possibilité du monde sensible, ne nous serait pas donnée *[1]. Mais tout changement est soumis à une condition qui le précède dans le temps et dont il est l’effet nécessaire. Or tout conditionnel, qui est donné, suppose, relativement à son existence, une série complète de conditions jusqu’à l’inconditionnel absolu, qui seul est absolument nécessaire. Il faut donc qu’il existe quelque chose d’absolument nécessaire, pour qu’un changement existe comme sa conséquence. Mais ce nécessaire appartient lui-même au monde sensible. En effet supposez qu’il soit en dehors du monde, la série des changements du monde en Supposez que le monde lui-même soit un être nécessaire ou qu’il y ait en lui un être nécessaire, ou bien il y aurait dans la série de ses changements un commencement qui serait absolument nécessaire, c’est-à-dire sans cause, ce qui est contraire à la loi dynamique de la détermination de tout phénomène dans le temps, ou bien la série elle-même serait sans aucun commencement, et, bien que contingente et conditionnelle dans toutes ses parties, elle serait absolument nécessaire et inconditionnelle dans le tout, ce qui est contradictoire. En effet l’existence d’une multiplicité ne peut pas être nécessaire, quand aucune de ses parties ne possède une existence nécessaire en soi.

Supposez au contraire qu’il y ait en dehors du monde une cause du monde absolument nécessaire, cette cause, étant le premier membre de la série des causes des changements du monde, commencerait d’abord l’existence de ces changements et de leur série *[2]. Or

  1. * Le temps, comme condition formelle de la possibilité des changements, leur est, à la vérité objectivement antérieur ; mais subjectivement et dans la réalité de la conscience la représentation n’en est donnée, ainsi que toute autre, qu’à l’occasion des perceptions.
  2. * Le mot commencer se prend en deux sens. Le premier est actif, et signifie que la cause commence (infit) une série d’états qui sont ses effets : le second est passif, et signifie que la causalité commence (fit) dans la cause même. Je conclus ici du premier au second.