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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


biguité de la loi qu’il invoque pour faire valoir, en le réfutant sur ce point, des prétentions injustes. Chacun de ces arguments est tiré de la nature des choses, et laisse de côté l’avantage que pourraient fournir les paralogismes où tombent les dogmatiques des deux côtés.

J’aurais pu aussi prouver en apparence la thèse, en mettant en avant, suivant l’usage des dogmatiques, un concept vicieux sur l’infinité d’une quantité donnée. Une quantité est infinie, quand il ne peut y en avoir de plus grande (c’est-à-dire qui dépasse la multitude de fois qu’une unité donnée y est contenue). Or il n’y a pas de multitude qui soit la plus grande possible, puisqu’on peut toujours y ajouter une ou plusieurs unités. Donc une grandeur infinie donnée est impossible, et par conséquent aussi un monde infini (sous le rapport de la série écoulée aussi bien que de l’étendue) ; il est donc limité des deux côtés. J’aurais pu produire cette preuve ; mais ce concept ne s’accorde pas avec ce que l’on entend par un tout infini. On ne se représente pas ici en effet combien ce tout est grand, et par conséquent le concept que nous en avons n’est pas celui

à cette conséquence, en prétendant qu’il peut bien y avoir une limite du monde, quant au temps et à l’espace, sans qu’il soit nécessaire d’admettre un temps absolu avant le commencement du monde, ou un espace absolu, s’étendant en dehors du monde réel ; ce qui est impossible. Cette dernière partie de l’opinion des philosophes de l’école de Leibnitz me satisfait complètement. L’espace est simplement la forme de l’intuition extérieure ; il n’est pas quelque chose de réel qui puisse être l’objet d’une intuition extérieure, et il n’est pas on corrélatif des phénomènes, mais leur forme même. L’espace ne peut donc précéder absolument (par lui seul) dans l’existence des choses comme quelque chose de déterminant, puisqu’il n’est pas un objet, mais simplement la forme d’objets possibles. C’est pourquoi les choses, comme phénomènes, déterminent bien l’espace, c’est-à-dire que de tous ses prédicats possibles (grandeur et rapport), elles font que ceux-ci ou ceux-là appartiennent à la réalité ; mais l’espace ne peut pas réciproquement, comme quelque chose qui existerait par soi-même, déterminer la réalité des choses, sous le rapport de la grandeur ou de