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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


cune blessure, ils reconnaîtront la vanité de leur querelle et se sépareront bons amis.

Cette manière d’assister à un combat d’assertions, ou plutôt de le provoquer, non sans doute pour se prononcer à la fin en faveur de l’un ou de l’autre parti : mais pour rechercher si l’objet n’en serait point par hasard une pure illusion, à laquelle chacun s’attache vainement et où l’on n’aurait rien à gagner, quand même on ne rencontrerait pas de résistance, cette manière d’agir peut être désignée sous le nom de méthode sceptique. Elle est tout à fait distincte du scepticisme, ce principe d’une ignorance artificielle et scientifique, qui mine les fondements de toute connaissance, pour ne laisser nulle part, s’il est possible, aucune certitude. La méthode sceptique, en effet, tend à la certitude, en cherchant à découvrir, dans un combat loyalement engagé et conduit avec intelligence des deux côtés, le point de dissentiment, afin de faire comme ces sages législateurs qui s’instruisent eux-mêmes, par l’embarras des juges dans les procès, de ce qu’il y a de défectueux ou de ce qui n’est pas suffisamment déterminé · dans leurs lois. L’antinomie qui se révèle dans l’application des lois est, pour notre sagesse bornée, la première pierre de touche de la nomothétique : c’est ainsi que la raison, qui, dans la spéculation abstraite, ne s’aperçoit pas aisément de ses faux pas, deviendra plus attentive aux moments à observer dans la détermination de ses principes.

Mais cette méthode sceptique n’est essentiellement propre qu’à la philosophie transcendentale, et en tous cas on peut s’en passer, Tans tout autre champ d’investigations que celui-ci. Dans les mathématiques, il serait absurde de l’employer, car il n’y a pas d’assertions faus-