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DIALECTIQUE TRANSCENDENTALE


Lorsque nous ne nous bornons plus à appliquer notre raison à des objets de l’expérience en nous servant des principes de l’entendement, mais que nous essayons de l’étendre au delà des bornes de cette expérience, il en résulte des propositions dialectiques, qui n’ont ni confirmation à espérer, ni contradiction à craindre de l’expérience, et dont chacune non-seulement est par elle-même exempte de contradiction, mais même trouve dans la nature de la raison des conditions qui la rendent nécessaire ; malheureusement l’assertion contraire ne repose pas sur des raisons moins bonnes et moins nécessaires.

Les questions qui se présentent naturellement dans cette dialectique de la raison pure sont donc celles-ci : 1° Quelles sont proprement les propositions où la raison pure est inévitablement soumise à une antinomie ? 2° Quelles sont les causes de cette antinomie ? 3° La raison peut-elle cependant, au milieu de ce conflit, trouver un chemin qui la conduise à la certitude, et de quelle manière ?

Une thèse dialectique de la raison pure se distingue donc de toutes les propositions sophistiques par les signes · suivants : d’abord elle a pour objet, non pas une question arbitraire, que l’on mettrait en avant à plaisir, mais un problème que toute raison humaine rencontre nécessairement dans sa marche ; ensuite elle présente avec son antithèse, non pas une apparence purement artificielle et qui s’évanouisse au premier regard, mais une apparence naturelle et inévitable, qui, alors même qu’elle ne trompe plus, ne cesse pas de faire illusion, et que par conséquent l’on peut bien rendre inoffensive, mais non détruire.

Cette doctrine dialectique n’aura point de rapport à