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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


un objet déterminé, mais seulement l’unité des représentations, afin de déterminer leur objet. Sans une intuition qui serve de fondement, la catégorie ne peut me donner aucun concept d’objet ; car ce n’est que par l’intuition qu’est donné l’objet, qui, ensuite, est pensé conformément à la catégorie. Quand je définis une chose, une substance dans le phénomène, il faut que des prédicats de son intuition m’aient été donnés d’abord, et que j’y distingue le permanent du changeant, et le substratum (la chose même) de ce qui y est simplement inhérent. Quand j’appelle simple une chose qui m’est donnée dans un phénomène, j’entends par là que l’intuition de cette chose est bien une partie du phénomène, mais qu’elle ne peut être elle-même divisée, etc. Mais, lorsque quelque chose n’est reconnu comme simple que dans le concept que j’en ai et non dans le phénomène, alors je n’ai réellement par là aucune connaissance de l’objet, mais seulement du· concept que je me fais en général de quelque chose qui ne comporte aucune intuition propre. Je me borne à dire que je conçois quelque chose comme tout à fait simple, parce que je ne puis réellement dire rien de plus, sinon que c’est quelque chose.

Or la simple aperception (le moi) est substance en concept, simple en concept, etc., et ainsi tous ces théorèmes psychologiques ont une exactitude incontestable. Mais on ne connaît nullement par là ce qu’on veut proprement savoir de l’âme, car tous ces prédicats ne s’appliquent pas à l’intuition, et ne peuvent pas non plus par conséquent avoir de conséquences qui s’appliqueraient à des objets de l’expérience ; ils sont donc complètement vides. En effet ce concept de la substance ne m’apprend point que l’âme dure par elle-même ; il ne m’apprend point qu’elle est une partie des intuitions extérieures qui ne peut plus être elle-même divisée, et qui par conséquent ne peut naître ni périr par aucun changement de la nature. Ce sont là les seules propriétés qui pourraient me faire connaître l’âme dans l’enchaînement de l’expérience et m’ouvrir des vues sur son origine et sur son état futur. Si donc je dis, en me fondant uniquement sur des catégories, que l’âme est une substance simple, il est clair que, comme le pur concept intellectuel de substance, ne contient rien de plus, sinon qu’une chose doit être représentée comme un sujet en soi, qui n’est pas à son tour le prédicat d’un