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DES PARALOGISMES DE LA RAISON PURE


conditionnelle ne commet point de faute quant au contenu (puisqu’il fait abstraction de tout contenu ou de tout objet), mais, qu’il pèche seulement dans la forme et doit être appelé un paralogisme.

Comme en outre l’unique condition qui accompagne toute pensée, le moi, est dans la proposition générale : je pense, la raison a affaire à cette condition en tant qu’elle est elle-même inconditionnelle. Mais elle n’est que la condition formelle, c’est-à-dire l’unité logique de toute pensée où je fais abstraction de tout objet, et elle est pourtant représentée comme un objet que je pense, à savoir moi-même et l’unité absolue de ce moi.

Si quelqu’un me faisait en général cette question : de quelle nature est une chose qui pense, je ne saurais y répondre à priori la moindre chose, puisque la réponse devrait être synthétique. En effet une réponse analytique éclaircirait peut-être bien la pensée, mais ne donnerait pas une connaissance plus étendue de ce sur quoi repose la possibilité de cette pensée. D’un autre côté, toute solution synthétique exige une intuition, et l’intuition est tout à fait écartée dans une question aussi générale. De même, personne ne peut répondre à la question qui est posée ainsi dans toute sa généralité : de quelle nature doit être une chose qui est mobile ? En effet l’étendue impénétrable (la matière) n’est point donnée alors. Cependant, quoique je ne sache pas en général de réponse à ces questions, il me semble que je puis en donner une, en ce cas particulier, dans la proposition qui exprime la conscience : je pense. En effet ce moi est le premier sujet, c’est-à-dire une substance, il est simple, etc. Mais ce ne seraient plus alors que de simples propositions d’expérience, lesquelles, sans une règle universelle exprimant en général et à priori les conditions de la possibilité de penser, ne pourraient contenir de prédicats à priori (non empiriques). De cette manière ma prétention d’abord si plausible de juger de la nature d’un être pensant, et cela par de simples concepts, me devient suspecte, bien que je n’en aie pas découvert le vice.

Mais les recherches ultérieures sur l’origine de ces attributs, que je me donne à moi-même comme à un être pensant en général, peuvent mettre ce vice à découvert. Ils ne sont rien de plus que de pures catégories, par lesquelles je ne conçois jamais