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DES PARALOGISMES DE LA RAISON PURE


dessus leur objection, en montrant qu’un objet extérieur de ce genre, qui ne révèle pas d’autre causalité que celle des mouvements, ne saurait jamais être une cause efficiente de représentations, mais que l’intervention d’un troisième être est nécessaire pour fonder, sinon une action réciproque, du moins une correspondance et une harmonie · entre les deux autres, ils commenceraient leur réfutation par admettre dans leur dualisme le πρωτον ψευδοζ de l’influence physique, et par conséquent par leur objection ils ne réfuteraient pas seulement l’influence naturelle, mais leur propre hypothèse dualiste. En effet toutes les difficultés qui concernent l’union de la nature pensante avec la matière résultent sans exception de cette idée dualiste qui se glisse dans l’esprit, à savoir que la matière, comme telle, n’est pas un phénomène, c’est-à-dire une simple représentation de l’esprit à laquelle corresponde un objet inconnu, mais l’objet en soi, tel qu’il existe hors de nous et indépendamment de notre sensibilité.

Contre l’influence physique, ordinairement admise, on ne peut donc faire aucune objection dogmatique. En effet, si l’adversaire admet que la matière et son mouvement ne sont que des phénomènes, et, par conséquent, que des représentations, il ne peut faire consister la difficulté qu’en ce que l’objet inconnu de notre sensibilité ne peut être la cause des représentations qui se produisent en nous ; mais c’est là de sa part une supposition toute gratuite, puisque personne ne saurait dire ce qu’un objet inconnu peut ou ne peut pas faire. Il faut, d’après les preuves que nous avons établies plus haut, qu’il admette cet idéalisme transcendental, s’il ne veut pas manifestement substantifier des représentations et les transporter hors de lui comme des choses véritables.

Mais on peut élever avec raison une objection critique contre l’opinion ordinaire de l’influence physique. Cette hypothèse d’une union entre deux espèces de substances, la substance pensante et la substance étendue, a pour fondement un grossier dualisme, qui transforme cette dernière, laquelle n’est qu’une simple représentation du sujet pensant, en une chose existant en soi. On peut donc rendre absolument inutile la fausse théorie de l’influence physique, en montrant que la preuve sur laquelle elle s’appuie est nulle et fallacieuse.


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