Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/474

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
460
CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


qu’au contraire il est clairement établi que, si j’écarte le sujet pensant, tout le monde des corps doit disparaître, comme n’étant rien que le phénomène dans la sensibilité de notre sujet et un mode de représentation de ce sujet.

Il est vrai que je n’en connais pas mieux ce moi pensant quant à ses qualités, et que je ne puis apercevoir sa permanence, ni même l’indépendance de son existence par rapport à quelque substratum transcendental des phénomènes extérieurs, car celui-ci ne m’est pas moins inconnu que celui-là. Mais, comme il est possible que je tire de quelqu’autre source que de principes purement spéculatifs des raisons d’espérer une existence indépendante, c’est déjà un grand point de gagné que de pouvoir, en avouant librement ma propre ignorance, repousser les attaques dogmatiques d’un adversaire spéculatif, et lui montrer que, ne connaissant pas plus que moi la nature de mon sujet, il n’est pas plus fondé à contester la possibilité de mes espérances que moi à m’y attacher.

Sur cette apparence transcendentale de nos concepts psychologiques se fondent encore trois questions dialectiques, qui constituent le but propre de la psychologie rationnelle, et ne peuvent être résolues autrement que par les recherches précédentes. Ce sont celles 1° de la possibilité de l’union de l’âme avec un corps organique, c’est-à-dire de l’animalité et de l’état de l’âme dans la vie de l’homme ; 2° du commencement de cette union, c’est-à-dire de l’âme dans et avant la naissance de l’homme ; 3° de la fin de cette union, c’est-à-dire de l’âme dans et après la mort de l’homme (question de l’immortalité).

Or je soutiens que toutes les difficultés que l’on croit trouver dans ces questions, et dont on se sert comme d’objections dogmatiques pour se donner l’air de pénétrer plus profondément dans la nature des choses que ne peut faire l’intelligence commune, je soutiens, dis-je, que toutes ces difficultés ne reposent que sur une simple illusion : celle qui consiste à hypostasier ce qui n’existe que dans la pensée et à l’admettre comme un objet réel en dehors du sujet pensant, c’est-à-dire à regarder l’étendue, qui n’est qu’un phénomène, comme une propriété des choses extérieures subsistant même indépendamment de notre sensibilité, et le mouvement comme antérieur à son effet, qui précéderait