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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)

Si donc, comme la présente critique nous y oblige évidemment, nous restons fidèles à la règle précédemment établie, qui nous enjoint de ne pas pousser plus loin nos questions dès que l’expérience possible cesse de nous en fournir l’objet, nous ne nous laisserons pas même entraîner à rechercher ce que les objets des sens peuvent être en soi, c’est-à-dire indépendamment de tout rapport aux sens. Mais si le psychologue prend des phénomènes pour des choses en soi, qu’il admette dans sa théorie, comme choses existantes en elles-mêmes, soit, en qualité de matérialiste, la matière toute seule, soit, comme spiritualiste, l’être pensant tout seul (considéré suivant la forme de notre sens interne), soit, comme dualiste, tous les deux, il est toujours arrêté par la difficulté de prouver comment peut exister en soi ce qui n’est pas une chose en soi, mais seulement le phénomène d’une chose en général.


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RÉFLEXION


sur l’ensemble de la psychologie pure, en conséquence
de ces paralogismes.


Si nous comparons la psychologie, comme physiologie du sens interne, avec la science des corps, comme physiologie des objets des sens extérieurs, nous trouvons, indépendamment de tout ce qui peut être connu empiriquement dans les deux sciences, cette différence remarquable, que dans la dernière science beaucoup de connaissances peuvent encore être tirées à priori du seul concept d’un être étendu et impénétrable, tandis que, dans la première, aucune connaissance synthétique à priori ne peut être tirée du concept d’un être pensant. En voici la raison. Bien que l’un et l’autre soient des phénomènes, le phénomène qui s’offre au sens extérieur a cependant quelque chose de fixe et de permanent, qui fournit un substratum servant de fondement aux déterminations changeantes et par conséquent un concept synthé-