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DES PARALOGISMES DE LA RAISON PURE


la perception, y est aussi réel ; car, s’il n’y était pas réel, c’est-à-dire donné immédiatement, par l’intuition empirique, il ne pourrait pas être non plus imaginé, puisque l’on ne saurait imaginer à priori le réel de l’intuition.

Toute perception extérieure prouve donc immédiatement quelque chose de réel dans l’espace, ou plutôt elle est le réel même, et en ce sens le réalisme empirique est hors de doute, c’est-à-dire que quelque chose de réel dans l’espace correspond à nos intuitions. Sans doute l’espace même, avec tous ses phénomènes, comme représentations, n’existe qu’en moi ; mais dans cet espace pourtant le réel, ou la matière de tous les objets de l’intuition extérieure, m’est donné véritablement et indépendamment de toute fiction. Il est impossible d’ailleurs que quelque chose d’extérieur à nous (dans le sens transcendental) soit donné dans cet espace, puisqu’il n’est rien lui-même en dehors de notre sensibilité. L’idéaliste le plus rigoureux ne peut donc exiger que l’on prouve que l’objet correspond à notre perception extérieurement à nous (dans le sens strict du mot). Car, quand bien même il y aurait un tel objet, il ne pourrait être représenté et perçu comme extérieur à nous, puisque cela suppose l’espace et que la réalité dans l’espace, qui n’est qu’une simple représentation, n’est autre chose que la perception même. Le réel des phénomènes extérieurs n’est donc véritablement que dans la perception et il ne peut être d’aucune autre manière.

La connaissance des objets peut être tirée des perceptions ou par un simple jeu de l’imagination, ou au moyen de l’expérience. Et alors il en peut certainement résulter des représentations trompeuses auxquelles les objets ne correspondent plus et où l’illusion doit être attribuée, tantôt à un prestige de l’imagination (comme dans le rêve), tantôt à un vice du jugement (comme dans ce qu’on nomme les erreurs des sens). Pour échapper ici à la fausse apparence, on suit cette règle : ce qui s’accorde avec une perception suivant des lois empiriques est réel. Mais cette illusion, aussi bien que le moyen de s’en préserver, ne concernent pas moins l’idéalisme que le dualisme, puisqu’il ne s’agit là que de la forme de l’expérience. Pour réfuter l’idéalisme empirique, comme une fausse incertitude touchant la réalité objective de nos perceptions extérieures, il suffit de remarquer que la perception