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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


nent, ne soit plus soutenable, dès que l’on admet des substances, elle n’est cependant pas réfutée par l’unité de la conscience de soi. En effet nous ne pouvons pas même juger par notre conscience si comme âmes nous sommes permanents ou non, en nous fondant sur cette raison que nous ne rapportons à notre moi identique que ce dont nous avons conscience, et qu’ainsi nous devons nécessairement juger que nous sommes les mêmes dans tout le temps dont nous avons conscience. Car, si nous nous plaçons au point de vue d’un étranger, nous ne pouvons faire valoir ce jugement, puisque, ne trouvant dans l’âme aucun phénomène permanent que la représentation moi, qui les accompagne tous et les relie, nous ne saurions décider si ce moi (une simple pensée) ne s’écoule pas tout aussi bien que les autres pensées qui se trouvent ainsi enchaînées les unes aux autres.

Mais il est remarquable que la personnalité et la supposition de cette personnalité, ou que la permanence, par conséquent la substantialité de l’âme doit être prouvée avant tout. En effet, quand nous pourrions la supposer, la durée de la conscience n’en résulterait pas encore, mais bien la possibilité d’une conscience durable dans un sujet permanent, ce qui est déjà suffisant pour la personnalité, qui ne cesse pas par cela seul que son action est interrompue quelque temps. Mais cette permanence ne nous est donnée par rien avant l’identité numérique de notre moi, identité que nous déduisons de l’aperception identique ; il faut que nous commencions par l’en conclure (et, si les choses se passaient bien, celle-ci devrait précéder d’abord le concept de la substance, lequel n’a qu’un usage empirique). Or cette identité de la personne ne résulte nullement de l’identité du moi dans la conscience de tout le temps où je me connais ; aussi la substantialité de l’âme n’a-t-elle pas pu, plus haut, y être fondée. Cependant le concept de la personnalité, comme celui de la substance et du simple, peut subsister (en tant qu’il est simplement transcendental, c’est-à-dire unité du sujet, qui nous est d’ailleurs inconnu, mais dont les déterminations sont complètement reliées par l’aperception), et ce concept est d’ailleurs nécessaire à l’usage pratique, et il suffit pour cet usage ; mais nous ne pouvons jamais compter sur lui, comme s’il étendait notre connaissance de nous-mêmes par la raison pure, laquelle