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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


clut-elle pas réellement de la proposition : je pense ; elle est déjà dans toute pensée. Cette proposition : je suis simple, doit être regardée comme une expression immédiate de l’aperception, de même que le prétendu raisonnement cartésien : cogito, ergo sum, est dans le fait tautologique, puisque le cogito (sum cogitans) exprime immédiatement la réalité. Mais cette proposition : je suis simple, ne signifie rien de plus, sinon que cette représentation : le moi, ne renferme pas la moindre diversité, et qu’elle est une unité absolue (quoique purement logique).

Cette preuve psychologique tant vantée n’est donc fondée que sur l’unité indivisible d’une représentation qui se borne à diriger le verbe du côté d’une seule personne. Mais il est évident que le sujet d’inhérence n’est désigné par le moi attaché à la pensée que d’une manière transcendentale, sans qu’on en remarque la moindre propriété ou en général sans qu’on en connaisse ou qu’on en sache quelque chose. Il signifie un quelque chose en général (un sujet transcendental) dont la représentation doit certainement être simple, par la raison qu’on n’y détermine rien du tout, puisqu’en effet rien ne peut être représenté d’une manière plus simple que par le concept d’un simple quelque chose. Mais la simplicité de la représentation d’un objet n’est pas pour cela une connaissance de la simplicité du sujet lui-même, car nous faisons tout à fait abstraction de ses propriétés, quand nous le désignons simplement par cette expression vide de contenu : moi (expression que je puis appliquer à tout sujet pensant).

Il est donc certain que sous le mot moi je conçois toujours une unité absolue, mais logique du sujet (simplicité), mais que je ne connais point la simplicité réelle de mon sujet. De même que cette proposition : je suis une substance, n’exprime rien que la catégorie pure, dont je ne puis faire aucun usage in concreto (empirique), de même il m’est permis de dire : je suis une substance simple, c’est-à-dire une substance dont la représentation ne renferme jamais une synthèse d’éléments divers ; mais ce concept ou même cette proposition ne nous enseigne pas la moindre chose à l’égard de moi-même considéré comme objet de l’expérience, puisque le concept de la substance n’est lui-même employé que comme une fonction de la synthèse, sans qu’aucune intuition lui soit subsumée et par conséquent sans objet, et puisqu’il n’a de valeur