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DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS DE L’ENTENDEMENT


en nous une faculté reproductive de l’imagination, faculté qui n’est donc toujours qu’empirique.

Mais puisque, si des représentations se reproduisaient réciproquement sans distinction, comme elles se rencontreraient, elles ne pourraient former qu’un amas incohérent, mais jamais aucun enchaînement déterminé et par conséquent aucune connaissance, leur reproduction doit avoir une règle suivant laquelle une représentation s’unit à l’une plutôt qu’à l’autre dans l’imagination. Ce principe subjectif et empirique de la reproduction régulière est ce qu’on nomme l’association des représentations.

Or, si cette unité de l’association n’avait pas aussi un principe objectif, tel qu’il fût impossible que des phénomènes fussent appréhendés par l’imagination autrement que sous la condition d’une unité synthétique possible de cette appréhension, ce serait chose tout à fait accidentelle que des phénomènes s’accordassent de manière à former un enchaînement de connaissances humaines. En effet, encore que nous eussions la faculté d’associer des perceptions, cette faculté resterait par elle-même tout à fait indéterminée et contingente, quelque susceptibles d’association que fussent ces perceptions ; et, si elles ne l’étaient pas, il pourrait sans doute y avoir une multitude de perceptions et même toute une sensibilité où beaucoup de consciences empiriques se rencontreraient dans mon esprit, mais ces consciences seraient séparées et ne formeraient pas une conscience de moi-même, ce qui est impossible. Car par cela seul que je rattache toutes les perceptions à une conscience (à l’aperception originaire), je puis dire de toutes les perceptions que j’en ai conscience. Il doit donc y avoir un principe objectif, c’est-à-dire perceptible à priori antérieurement à toutes les lois empiriques de l’imagination, sur lequel reposent la possibilité et même la nécessité d’une loi s’étendant à tous les phénomènes, et consistant à les regarder tous comme des données des sens susceptibles en soi d’association et soumises à des règles universelles d’une liaison complète dans la reproduction. Ce principe objectif de toute l’association des phénomènes, je le nomme l’affinité de ces phénomènes. Mais nous ne pouvons le trouver nulle part ailleurs que dans le principe de l’unité de l’aperception par rapport à toutes les connais-