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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


tendement pur est, par le moyen des catégories, un principe formel et synthétique de toutes les expériences, et que les phénomènes ont un rapport nécessaire à l’entendement.

Nous exposerons maintenant l’enchaînement nécessaire de l’entendement avec les phénomènes au moyen des catégories, en allant de bas en haut, c’est-à-dire en partant de l’élément empirique. La première chose qui nous est donnée est le phénomène, lequel, quand il est accompagné de conscience, s’appelle perception (sans le rapport à une conscience, au moins possible, le phénomène ne serait pas pour nous un objet de connaissance, et par conséquent il ne serait rien pour nous, et, puisqu’il n’a en soi aucune réalité objective et qu’il n’existe pas dans la connaissance, il ne serait absolument rien). Mais, comme chaque phénomène renferme une diversité, et que par conséquent il y a dans l’esprit des perceptions diverses naturellement disséminées et isolées, il faut qu’il s’établisse entre elles une liaison qu’elles n’ont pas dans le sens même. Il y a donc une faculté active qui opère la synthèse de ces éléments divers ; cette faculté est ce que nous nommons l’imagination, et l’action de cette faculté s’exerçant immédiatement dans les perceptions est ce que j’appelle l’appréhension *[1]. L’imagination doit en effet réduire en une image ce qu’il y a de divers dans l’intuition ; il faut donc qu’elle commence par recevoir les impressions dans son activité, c’est-à-dire par les appréhender.

Il est clair que même cette appréhension du divers ne produirait pas par elle seule une image et un ensemble d’impressions, s’il n’y avait une raison subjective d’évoquer une perception d’où l’esprit passe à une autre, à la suivante, et d’exhiber ainsi des séries entières de perceptions, c’est-à-dire s’il n’y avait

  1. * Aucun psychologue n’a bien vu jusqu’ici que l’imagination est un ingrédient nécessaire de la perception. Cela vient en partie de ce que l’on bornait cette faculté à des reproductions, et en partie de ce que l’on croyait que les sens ne nous fournissaient pas seulement des impressions, mais les assemblaient aussi et en formaient des images des objets, ce qui certainement, outre la réceptivité des impressions, exige quelque chose de plus encore, à savoir une fonction qui en opère la synthèse.