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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


ment ; ce n’est que par ce moyen que la connaissance est possible. Nous avons conscience à priori de la complète identité de nous-mêmes relativement à toutes les représentations qui peuvent jamais arriver à notre connaissance, comme d’une condition nécessaire de la possibilité de toutes ces représentations (en effet elles ne sauraient représenter en moi quelque chose qu’à la condition d’appartenir avec toutes les autres à une même conscience, et par conséquent de pouvoir au moins y être liées). Ce principe est fermement établi à priori, et on peut l’appeler le principe transcendental de l’unité dans les éléments divers de nos représentations (par conséquent aussi dans l’intuition). Or l’unité des éléments divers dans un sujet est synthétique ; l’aperception pure fournit donc un principe de l’unité synthétique du divers dans toute intuition possible *[1].

Mais cette unité synthétique suppose une synthèse ou la renferme ; et, si la première doit nécessairement être à priori, la

  1. * Qu’on fasse bien attention à cette proposition, qui est d’une grande importance. Toutes les représentations ont un rapport nécessaire à une conscience empirique possible ; car, s’il n’en était pas ainsi, il serait absolument impossible d’en avoir conscience : elles seraient pour nous comme si elles n’étaient pas du tout. Mais toute conscience empirique a un rapport nécessaire à une conscience transcendentale (antérieure à toute expérience particulière), c’est-à-dire à la conscience de moi-même, comme aperception originaire. Il est donc absolument nécessaire que dans ma connaissance toute conscience se rapporte à une même conscience (de moi-même). Il y a donc ici une unité synthétique des éléments divers (de la conscience), qui est connue à priori, et qui sert ainsi de fondement à des propositions synthétiques à priori relatives à la pensée pure, de même que l’espace et le temps servent de fondement à des propositions qui concernent la forme de la simple intuition. Cette proposition synthétique, que toutes les diverses consciences empiriques doivent être liées en une seule conscience de soi-même, est, absolument parlant, le premier principe synthétique de notre pensée en général. Mais il ne faut pas perdre de vue que la simple représentation Moi est, par rapport à toutes les autres (dont elle rend possible l’unité collective), la conscience transcendentale. Que cette représentation soit claire (dans la conscience empirique), ou qu’elle soit obscure, peu importe ici, il ne s’agit même pas de sa réalité ; il suffit de constater que la possibilité de la forme logique de toute connaissance repose nécessairement sur le rapport à cette aperception comme à une faculté.