Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/437

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
423
DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS DE L’ENTENDEMENT

n’appartiendraient plus alors à aucune expérience, elles seraient par conséquent sans objet, et ne seraient qu’un jeu aveugle de représentations, c’est-à-dire moins qu’un songe.

Toutes les tentatives faites pour dériver de l’expérience ces concepts purs de l’entendement, et leur attribuer une origine purement empirique, sont donc absolument vaines et inutiles. Je ne veux prendre ici pour exemple que le concept de la cause, lequel implique un caractère de nécessité qu’aucune expérience ne saurait donner : l’expérience nous enseigne bien qu’à un phénomène succède ordinairement un autre phénomène, mais non pas que celui-ci doive nécessairement succéder à celui-là, ni qu’on le puisse conclure à priori et d’une manière tout à fait générale, comme on conclut d’une condition à la conséquence. Mais cette règle empirique de l’association, qu’il faut bien pourtant admettre partout, quand on dit que tout dans la série des événements de ce genre est soumis à des règles, que jamais quelque chose n’arrive qu’il n’ait été précédé de quelque autre chose qu’il suit toujours, cette règle, envisagée comme une loi de la nature, sur quoi, je le demande, repose-t-elle ? Et comment même cette association est-elle possible ? Le principe de la possibilité de l’association des éléments divers, en tant que cette diversité réside dans l’objet, s’appelle l’affinité du divers. Je demande donc comment vous vous rendez compréhensible la complète affinité des phénomènes (au moyen de laquelle ils sont soumis à des lois constantes et doivent y être soumis).

D’après mes principes elle est très-compréhensible. Tous les phénomènes possibles appartiennent, comme représentations, à toute la conscience de soi-même possible. Mais l’identité numérique est inséparable de cette conscience, comme d’une représentation transcendentale, et elle est certaine à priori, puisque rien ne peut arriver à la connaissance qu’au moyen de cette aperception originaire. Or, comme cette identité doit nécessairement intervenir dans la synthèse de tout ce qu’il a de divers, dans les phénomènes, en tant qu’elle doit être une connaissance empirique, les phénomènes sont soumis à des conditions à priori, auxquelles leur synthèse (la synthèse de leur appréhension) doit être complètement conforme. Or la représentation d’une condition générale suivant laquelle une certaine diversité peut être