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CRITIQUE DE LA RAISON PURE (Ire ÉDITION)


même expérience générale. L’unité complète et synthétique des perceptions constitue en effet précisément la forme de l’expérience, et elle n’est pas autre chose que l’unité synthétique des phénomènes opérée d’après des concepts.

Si l’unité de la synthèse opérée d’après des concepts empiriques était tout à fait contingente, et si ceux-ci ne se fondaient pas sur un principe transcendental de l’unité, il serait possible qu’une foule de phénomènes remplit notre âme sans qu’il en pût jamais résulter aucune expérience. Mais alors aussi s’évanouirait tout rapport de la connaissance à des objets, puisque l’enchaînement qui se règle sur des lois universelles et nécessaires lui ferait défaut, que par conséquent il serait bien une intuition vide de pensée, mais jamais une connaissance, et qu’ainsi il serait pour nous comme s’il n’était pas.

Les conditions à priori d’une expérience possible en général sont en même temps les conditions de la possibilité des objets de l’expérience. Or je soutiens que les catégories indiquées ne sont autre chose que les conditions de la pensée dans une expérience possible, de même que l’espace et le temps contiennent les conditions des intuitions pour cette même expérience. Elles sont donc aussi des concepts fondamentaux qui servent à penser des objets en général pour les phénomènes, et par conséquent elles ont à priori une valeur objective, ce qui était proprement ce que nous voulions savoir.

Mais la possibilité et même la nécessité de ces catégories reposent sur le rapport que toute la sensibilité et avec elle aussi tous les phénomènes possibles ont avec l’aperception originaire, dans laquelle tout doit être nécessairement conforme aux conditions de l’unité complète de la conscience de soi-même, c’est-à-dire être soumis aux fonctions générales de la synthèse opérée suivant des concepts, seule chose où l’aperception puisse prouver à priori sa complète et nécessaire identité. Ainsi le concept d’une cause n’est autre chose qu’une synthèse (de ce qui soit dans la série de temps avec d’autres phénomènes) opérée suivant des concepts ; et sans une unité de ce genre, qui a ses règles à priori et se soumet les phénomènes, on ne trouverait pas une unité complète et générale, par conséquent nécessaires de la conscience dans la diversité des perceptions. Mais celles-ci