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DÉDUCTION DES CONCEPTS PURS DE L’ENTENDEMENT




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De la synthèse de la récognition dans le concept


Si nous n’avions la conscience que ce que nous pensons est précisément la même chose que ce que nous avons pensé un moment auparavant, toute reproduction dans la série des représentations serait vaine. Ce serait en effet dans l’état présent une nouvelle représentation qui n’appartiendrait nullement à l’acte par lequel elle aurait dû être produite peu à peu, et les éléments divers de cette représentation ne formeraient jamais un tout, puisqu’ils manqueraient de cette unité que la conscience seule peut leur donner. Si, en comptant, j’oublie que les unités que j’ai maintenant devant les yeux ont été successivement ajoutées par moi les unes aux autres, je ne connaîtrai pas la production du nombre par cette addition successive de l’unité à l’unité, et par conséquent je ne connaîtrai pas le nombre lui-même ; car ce concept réside simplement dans la conscience de cette unité de la synthèse.

Le mot concept pouvait déjà nous conduire par lui-même à cette remarque. En effet c’est cette conscience une qui réunit en une représentation les éléments divers perçus successivement et ensuite reproduits. Cette conscience peut être souvent faible, de telle sorte que nous ne la lions pas à la production de la représentation dans l’acte même, c’est-à-dire immédiatement, mais seulement dans l’effet ; mais malgré cette différence, et bien que la clarté y manque, il faut toujours qu’il y ait une conscience : autrement les concepts et avec eux la connaissance des objets seraient absolument impossibles.

Et ici il est nécessaire de bien s’entendre sur ce que l’on veut désigner par cette expression d’objet des représentations. Nous avons dit plus haut que les phénomènes eux-mêmes ne sont rien que des représentations sensibles, lesquelles ne doivent pas être considérées (en dehors de la faculté représentative) comme des objets. Qu’est-ce donc que l’on entend quand on parle d’un objet cor-


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