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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


tionnelles pures, la question est de savoir si elles sont dérivées de l’expérience, ou si elles ont leur source dans la raison, indépendamment de l’expérience. Aristote peut être considéré comme le chef des empiristes, et Platon, comme celui des noologistes. Locke, qui, dans les temps modernes, a suivi le premier, et Leibnitz, qui a suivi le second (tout en s’éloignant assez de son système mystique), n’ont pu dans ce débat arriver à rien décider. Épicure était du moins beaucoup plus conséquent dans son système sensualiste (car ses raisonnements ne sortaient jamais des limites de l’expérience) qu’Aristote et que Locke, surtout que ce dernier, qui, après avoir dérivé de l’expérience tous les concepts et tous les principes, ou pousse l’usage jusqu’au point d’affirmer que l’on peut démontrer l’existence de Dieu et l’immortalité de l’âme aussi évidemment qu’aucun théorème mathématique (bien que ces deux objets soient placés tout à fait en dehors des limites de l’expérience possible).

3° Reste le point de vue de la méthode. Pour qu’une chose mérite le nom de méthode, il faut qu’elle procède suivant des principes. Or on peut diviser la méthode qui domine aujourd’hui dans cette branche de l’investigation en méthode naturelle et en méthode scientifique. Le naturaliste de la raison pure prend pour principe que, par la raison commune sans science (ou parce qu’il appelle la saine raison), on réussit beaucoup mieux dans ces hautes questions qui constituent les problèmes de la métaphysique que par la spéculation. Il affirme donc que l’on peut plus sûrement déterminer la grandeur et l’éloignement de la lune avec la mesure de l’œil que par le détour des mathématiques. Ce n’est là qu’une pure misologie mise en principes, et, ce qu’il y a de plus