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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


parce qu’après lui avoir d’abord demandé plus qu’il n’était juste de le faire et s’être longtemps bercé des plus belles espérances, on s’est vu trompé dans son attente. On se sera suffisamment convaincu dans tout le cours de notre critique que, quoique la métaphysique ne puisse jamais servir de fondement à la religion, elle en restera toujours comme le rempart, et que la raison humaine, qui est déjà dialectique par la tendance de sa nature, ne pourra jamais se passer de cette science, qui lui met un frein, et qui, par une connaissance scientifique et pleinement lumineuse de soi-même, prévient les dévastations qu’une raison spéculative privée de lois ne manquerait pas sans cela de produire dans la morale aussi bien que dans la religion. On peut donc être sûr que, si dédaigneux et si méprisants que puissent être ceux qui jugent une science, non d’après sa nature, mais seulement d’après ses effets accidentels, on reviendra toujours à la métaphysique, comme à une amie avec laquelle on s’était brouillé, parce que, comme il s’agit ici de fins essentielles, la raison doit travailler infatigablement soit à l’acquisition de vues solides, soit au renversement de celles qu’on s’est faites antérieurement.

La métaphysique, celle de la nature aussi bien que celle des mœurs, surtout la critique d’une raison qui se hasarde à voler de ses propres ailes, critique qui précède comme exercice préliminaire 1[1] (comme propédeutique), constituent donc proprement à elles seules ce que nous pouvons nommer philosophie dans le véritable sens de ce mot. Celle-ci rapporte tout à la sagesse, mais par le

  1. 1 Vorübend.