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ARCHIECTONIQUE DE LA RAISON PURE

Jusque-là le concept de la philosophie n’est qu’un concept scolastique 1[1], à savoir celui d’un système de la connaissance, qui n’est cherché que comme science, sans que l’on ait pour but quelque chose de plus que l’unité systématique de ce savoir, par conséquent la perfection logique de la connaissance. Mais il y a encore un concept cosmique (conceptus cosmicus) qui a toujours servi de fondement à cette dénomination, surtout quand on le personnifiait en quelque sorte et qu’on se le représentait comme un type dans l’idéal du philosophe. À ce point de vue la philosophie est la science du rapport de toute connaissance aux fins essentielles de la raison humaine (teleologia rationis humanæ), et le philosophe n’est pas un artiste de la raison, mais le législateur de la raison humaine. En ce sens il serait trop orgueilleux de s’appeler soi-même un philosophe, et de s’imaginer que l’on égale un modèle qui n’existe que dans l’idée.

Le mathématicien, le physicien, le logicien, quelque succès que puissent avoir le premier en général dans la connaissance rationnelle et les deux derniers en particulier dans la connaissance philosophique, ne sont toujours que des artistes de la raison. Il y a encore un maître en idéal, qui les emploie tous, se sert d’eux comme d’instruments pour aider aux fins essentielles de la raison humaine. C’est celui-là seul que nous devrions appeler philosophe ; mais, comme il ne se rencontre nulle part et que l’idée de sa législation se trouve partout dans toute raison humaine, nous nous en tiendrons simplement à la dernière, et nous déterminerons avec plus de pré-

  1. 1 Schulbegriff.