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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


dans les principes essentiels et vrais de la raison, et que par conséquent ils ne peuvent être tirés d’ailleurs par l’élève ni contestés d’aucune façon, et cela parce que l’usage de la raison n’a lieu ici qu’in concreto, bien qu’à priori, c’est-à-dire dans une intuition pure et partant infaillible, et qu’il exclut ainsi toute illusion et toute erreur. Entre toutes les sciences rationnelles (à priori), il n’y a donc que les mathématiques qui puissent être apprises, mais jamais la philosophie (à moins que ce ne soit historiquement) : en ce qui concerne la raison, on ne peut apprendre tout au plus qu’à philosopher.

Le système de toute connaissance philosophique est la philosophie. On doit l’admettre objectivement, en entendant par là le type de l’appréciation de toutes les tentatives faites pour philosopher, type qui doit servir à juger toute philosophie subjective, dont l’édifice est souvent si divers et si changeant. De cette manière la philosophie est une simple idée d’une science possible, qui n’est donnée nulle part in concreto, mais dont on cherche à se rapprocher par différentes voies, jusqu’à ce que l’on ait découvert l’unique sentier qui y conduit, mais qu’obstruait la sensibilité, et que l’on réussisse, autant qu’il est permis à des hommes, à rendre la copie, jusque-là manquée, semblable au modèle. Jusqu’ici il n’y a pas de philosophie que l’on puisse apprendre ; car où est-elle ? Qui l’a en sa possession, et à quel caractère la reconnaître ? On ne peut qu’apprendre à philosopher, c’est-à-dire à exercer le talent de la raison dans l’application de ses principes généraux à certaines tentatives qui se présentent, mais toujours avec cette réserve du droit qu’a la raison de rechercher ces principes jusque dans leurs sources et de les confirmer ou de les rejeter.