Page:Kant - Critique de la raison pure, II.djvu/398

Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.
384
MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE


quelque chose d’analogue aux jugements pratiques, à quoi convient le mot foi et que nous pouvons appeler la foi doctrinale. S’il était possible de décider la chose par quelque expérience, je parierais bien toute ma fortune que quelqu’une au moins des planètes que nous voyons est habitée. Aussi n’est-ce pas une simple opinion, mais une ferme croyance (sur la vérité de laquelle je hasarderais beaucoup de biens de la vie), qui me fait dire qu’il y a aussi des habitants dans d’autres mondes.

Or nous devons avouer que la croyance à l’existence de Dieu appartient à la foi doctrinale. En effet, bien que, par rapport à la connaissance théorétique du monde, je n’aie rien à décider qui suppose nécessairement cette pensée comme condition de mes explications des phénomènes du monde, mais que je sois au contraire obligé de me servir de ma raison comme si tout n’était que nature, l’unité finale est cependant une si grande condition de l’application de la raison à la nature que je ne puis pas l’omettre, quand d’ailleurs l’expérience m’en fournit de si nombreux exemples. Or à cette unité que la raison me donne pour fil conducteur dans l’investigation de la nature, je ne connais pas d’autre condition que de supposer qu’une intelligence suprême a tout ordonné suivant les fins les plus sages. Supposer un sage auteur du monde est donc une condition d’un but qui à la vérité est contingent, mais qui n’est cependant pas sans importance, celui d’avoir un fil conducteur dans l’investigation de la nature. Le résultat de mes recherches confirme d’ailleurs si souvent l’utilité de cette supposition, et il est si vrai qu’on ne peut rien alléguer de décisif contre elle, que je dirais beaucoup trop peu en appelant ma croyance une simple opinion, mais que je puis dire,