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L’OPINION, LE SAVOIR ET LA FOI


a en même temps une valeur objective), présente les trois degrés suivants : l’opinion 1[1], la foi 2[2] et le savoir 3[3]. L’opinion est un jugement qui a conscience d’être insuffisant subjectivement aussi bien qu’objectivement. Quand le jugement n’est suffisant que subjectivement, et qu’en même temps il est tenu pour objectivement insuffisant, il s’appelle foi. Enfin celui qui est suffisant subjectivement aussi bien qu’objectivement s’appelle savoir. La suffisance subjective s’appelle conviction (pour moi-même), la suffisance objective, certitude (pour chacun). Je ne m’arrêterai pas à éclaircir des concepts aussi faciles.

Je ne puis me hasarder à former une opinion, sans avoir du moins quelque savoir au moyen duquel le jugement problématique en soi se trouve rattaché à la vérité par un lien qui, s’il est imparfait, est cependant quelque chose de plus qu’une fiction arbitraire. La loi de cette liaison doit en outre être certaine. En effet, si je n’ai aussi par rapport à cette loi qu’une simple opinion, tout alors n’est plus qu’un jeu de l’imagination, sans le moindre rapport à la vérité. Dans les jugements qui viennent de la raison pure il n’y a nulle place pour l’opinion. Car, puisqu’ils ne sont pas appuyés sur des principes d’expérience, mais que, là où tout est nécessaire, tout doit être connu à priori, le principe de la liaison exige l’universalité et la nécessité, par conséquent une entière certitude ; autrement il n’y aurait pas de fil qui pût conduire à la vérité. Aussi est-il absurde de former des opinions dans les mathématiques pures : il faut ou savoir, ou s’abstenir de tout jugement. Il en est de même dans les

  1. 1 Meynen.
  2. 2 Glauben.
  3. 3 Wissen.