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DE L’IDÉAL DU SOUVERAIN BIEN


nante indifférence sur cette question en général. Une plus grande élaboration des idées morales, nécessairement amenée par la loi morale infiniment pure de notre religion, rendit la raison plus pénétrante à l’endroit de cet objet par l’intérêt qu’elle l’obligea à y prendre ; et, sans que ni des connaissances naturelles plus étendues, ni des vues transcendentales exactes et positives (de pareilles vues ont manqué en tout temps) y aient contribué, elles produisirent un concept de la nature divine, que nous tenons maintenant pour le vrai, non parce que la raison spéculative nous en convainc, mais parce qu’il s’accorde parfaitement avec les principes moraux de la raison. Et ainsi en définitive c’est toujours à la raison pure, mais à la raison pure dans son usage pratique, qu’appartient le mérite de lier à notre intérêt suprême une connaissance que la simple spéculation ne peut qu’imaginer, mais qu’elle ne peut faire valoir, et d’en faire ainsi, non pas sans doute un dogme démontré, mais une supposition absolument nécessaire pour ses fins essentielles.

Mais quand la raison pratique est parvenue à ce point sublime, je veux dire au concept d’un être premier et unique, comme souverain bien, elle n’a pas le droit de faire comme si elle s’était élevée au-dessus de toutes les conditions empiriques de son application et qu’elle fût arrivée à la connaissance de nouveaux objets, c’est-à-dire de partir de ce concept et d’en dériver les lois morales mêmes. En effet c’est précisément la nécessité pratique interne de ces lois qui nous a conduits à supposer une cause subsistante par elle-même, ou un sage régulateur du monde, afin de donner à ces lois leur effet ; et par conséquent nous ne pouvons pas après cela les