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MÉTHODOLOGIE TRANSCENDENTALE

Quel usage pouvons-nous faire de notre entendement, même par rapport à l’expérience, si nous ne nous proposons des fins ? Or les fins suprêmes sont celles de la moralité, et il n’y a que la raison pure qui puisse nous faire connaître celles-ci. Mais à l’aide de ces fins et sous leur direction nous ne pouvons faire de la connaissance de la nature même aucun usage final par rapport à la connaissance 1[1], si la nature n’a pas établi elle-même d’unité finale ; car sans cette unité nous n’aurions pas même de raison, puisque nous n’aurions pas d’école pour la raison et que nous serions privés de la culture provenant des objets qui fournissent une matière à des concepts de ce genre. Or la première unité finale est nécessaire et fondée dans l’essence même de la volonté ; donc la seconde, qui contient la condition de l’application de cette unité in concreto, doit l’être aussi, et ainsi l’élévation transcendentale de notre connaissance rationnelle ne serait pas la cause, mais simplement l’effet de la finalité pratique que nous impose la raison pure.

Aussi trouvons-nous dans l’histoire de la raison humaine qu’avant que les concepts moraux eussent été suffisamment épurés et déterminés et que l’unité systématique des fins eût été envisagée suivant ces concepts et d’après des principes nécessaires, la connaissance de la nature et même la culture de la raison, poussée à un remarquable degré dans beaucoup d’autres sciences, ou ne purent produire que des concepts grossiers et vagues de la divinité, ou laissèrent les hommes dans une éton-

  1. 1 Können wir von der Kenntnis der Natur selbst keinen zweckmäszigen Gebrauch in Ansehung der Erkenntnisz machen.