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DE L’IDÉAL DU SOUVERAIN BIEN


monie de la nature et de la liberté ne fasse défaut en aucun temps, etc.

Mais cette unité systématique des fins dans ce monde des intelligences, qui, envisagé comme simple nature, ne mérite d’autre nom que celui de monde sensible, mais qui, comme système de la liberté, peut être appelé monde intelligible ou moral (regnum gratiæ), cette unité conduit inévitablement aussi à une unité finale de toutes les choses constituant ce grand tout fondée sur des lois naturelles générales, de même qu’elle-même se fonde sur des lois morales universelles et nécessaires, et elle relie la raison pratique à la raison spéculative. Il faut se représenter le monde comme résultant d’une idée, pour pouvoir l’accorder avec cet usage de la raison sans lequel nous nous conduirions nous-mêmes d’une manière indigne de la raison, c’est-à-dire avec l’usage moral, qui repose absolument sur l’idée du souverain bien. Toute investigation de la nature reçoit par là une direction suivant la forme d’un système des fins, et dans son plus haut développement devient une théologie physique. Mais celle-ci, partant de l’ordre moral comme d’une unité qui a son fondement dans l’essence de la liberté et qui n’est pas accidentellement établie par des commandements extérieurs, ramène la finalité de la nature à des principes qui doivent être inséparablement liés à priori à la possibilité interne des choses, et par là à une théologie transcendentale qui fait de l’idéal de la souveraine perfection ontologique un principe de l’unité systématique, servant à lier toutes choses suivant des lois naturelles universelles et nécessaires, puisqu’elles ont toutes leur origine dans l’absolue nécessité d’un seul être premier.